Une époque de crise en Israël: entre conflit, féminisme et espoir de paix

«Le gouvernement de Netanyahu devrait partir, cette époque doit se terminer. C'est pour cela qu'il y a des manifestations. Je pense que nous sommes au point le plus terrible de l'histoire de notre pays». Tamar Herzig est l'une des historiennes israéliennes les plus autoritaires et connues, elle enseigne l'histoire moderne à l'université de Tel Aviv, a écrit des livres traduits dans le monde sur la Renaissance européenne et jamais dans sa vie elle n'aurait imaginé devoir parler du présent. «Je me suis toujours consacrée au passé, m'occupant aussi des violences sexuelles survenues au cours des siècles passés. Je n'aurais certainement jamais pensé faire des réflexions sur l'actualité la plus pressante». Une situation terrible... «Pour les jeunes, la situation est très lourde. Je vois une génération qui ne peut plus penser à l'avenir. Ils sont dans un état psychologique difficile. Les universités se sont vidées, de nombreux jeunes ont été tués le 7 octobre, d'autres sont au front. L'année académique en octobre n'a pas pu commencer et le semestre nous l'avons commencé seulement en décembre. Il suffit d'observer les étudiants en classe : il manque la joie de vivre qui devrait exister dans n'importe quel campus. Leur vie a été bouleversée». C'était récemment le 8 mars : en tant que féministe, comment avez-vous vécu le silence de la grande partie du monde féminin face aux viols systématiques par le Hamas au festival Nova et dans les kibboutz ? «L'envoyée de l'Onu Pramila Patten au début de mars a confirmé dans un long rapport de 23 pages les violences sexuelles survenues. Violences qui se produisent encore pour les 19 femmes retenues en otage à Gaza. Dans le rapport, il est écrit de manière explicite et peut-être qu'elles pourraient également être enceintes. Les féministes italiennes qui ont fait du 8 mars une manifestation pro-palestinienne au lieu d'être solidaires avec les Israéliennes, je pense que c'est quelque chose de douloureux qui devrait faire réfléchir. Un silence terrifiant. Si les féministes ne veulent pas voir ce qui est arrivé et ce qui arrive aux Israéliennes, c'est le début d'une façon de penser qui ruine ce que l'histoire du féminisme a fait ces dernières décennies. Nous parlons de viols, pas de harcèlement. Les terroristes ont également causé des mutilations aux corps. Des choses horribles. La même Pramila Patten a déclaré n'avoir jamais vu rien de tel». Pensez-vous que cette attitude de la part des féministes soit due à un antisémitisme latent ? «Les femmes ont été une cible particulière du massacre. Les films des mêmes terroristes nous le disent. On entend des voix qui crient : cette fille, ne la tuez pas, prenons-la nous. Les enlèvements faisaient partie du plan. Pour nous, ce fut un choc de découvrir l'antisémitisme rampant. En ce qui me concerne, je le considérais comme un héritage d'un passé européen et pourtant il n'en est pas ainsi. Si une femme juive essaie de dire quelque chose sur le 7 octobre, elle est chassée de la manifestation du 8 mars à Florence». Que espérez-vous à court terme ? «Le mot paix est magnifique mais il est difficile de faire la paix : avec qui devrions-nous la faire ? Je crois que la communauté internationale doit intervenir pour assurer un partenaire fiable. Je crois en la solution à deux États. J'espère aussi un autre gouvernement, plus libéral, comprenant des valeurs qui soient meilleures aussi pour les femmes. Personne n'a une solution magique évidemment c'est aussi important que les 200 000 réfugiés israéliens puissent retourner dans leurs maisons rendues insécurisées par les roquettes, au Nord comme au Sud. La guerre au début était nécessaire, chaque état a le droit de se défendre. Ce qui se passe à Gaza avec les enfants et les femmes est cependant terrible. Oui, je rêve de la fin de la guerre».